Parmi les messages de ce matin : la feuillée d' Octobre d' ArtPointFrance…
J'y vois une illustration de " choses" et un commentaire de ce que j'ai pu écrire ces jours dans ce blog …
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Le grand carnaval.
Qu'est-ce qui fait qu'une oeuvre ancienne peut-être perçue comme actuelle ? Plusieurs réponses viennent à l'esprit. Mais lorsqu'il s'agit de la peinture de James Ensor, une évidence prend forme. L'état social de la fin du XIXème siècle qui "remuait les tripes" de l'artiste belge est plus de cent ans après, inchangé, voire pire. La critique acerbe et cinglante de Ensor, dans ses peintures de 1887 à 1899 pointe la vanité et l'absurdité du monde. Sans surprise, cette critique là, va comme un gant au grand carnaval d'une société actuelle qui vacille sous le poids des contradictions politiques.
Le vocabulaire d'Ensor, " foudroiement", "exil" , "rejet" est bien celui d'une modernité lâche, aux visées dérisoires. Les couleurs poussées au plus vif mettent en relief des personnages chez lesquels l'omniprésence du désir de mort est dissimulée derrière le sarcasme et l'insolence. Caricatures d'eux-mêmes, ces génies saugrenus ou sardoniques apparaissent burlesques et macabres. Bientôt toutes les choses qui nous sont familières seront vidées de leur contenu. "Le monde à l'envers" (Ensor) n'offrira plus que d'innombrables coquilles vides. La comédie humaine éclate en fanfare avec une cruauté presque intolérable dans cette période de l'oeuvre du peintre.
Les individus en foule se serrent les uns contre les autres. Manipulés, ils s'inventent, masques à l'appui, des individualités de pacotille. Mais toujours plus stéréotypés, ils s'agglutinent en cohues le plus souvent gouvernées par la peur. Valeur d'échange et de coopération semblent définitivement des parodies d'une notion ancienne de solidarité. Mettre en scène le grotesque comporte toutefois une part de jeu. Aussi ai-je l'idée d'un pari. Si la rétrospectve James Ensor du Musée d'Orsay devait avoir le succès annoncé, il s'expliquerait de mon point de vue par une forme de réponse accordée à travers le temps, à nos interrogations et nos angoisses. Ensor manie l'ironie, la dérision et l'autodérision comme un saltimbanque lance les couteaux dans une foire. Il mêle le cocasse au terrifiant, le rire à l'effroi. La folie est sous-jascente, la colère et la rage bien réelles.
Catherine Plassart
Exposition James Ensor 20 octobre 2009 - 4 février 2010 Musée d'Orsay Paris