2 février 2008

Des Fours à Chaux à Romagnat .

Ce billet est encore à "travailler" (iconographie ), je le mets malgré tout en ligne… il y a matière à occuper un dimanche… en attendant : mille excuses !
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Texte rédigé par Bernard Quinsat à l'occasion de la remise de la médaille du travail
à Monsieur GAZOLA Antoine, le 28 septembre 2002 et repris dans l'ouvrage "Romagnat Hier, aujourd'hui, demain."


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Je serais en mesure d'apporter quelques modifications et rajouts… plus tard !
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Si l'Auvergne résista vivement à la conquête romaine, les Arvernes par la suite contribuèrent largement et durablement aux développements de la civilisation gallo-romaine ce qui fit écrire à Georges Duby que "L'auvergne demeura longtemps en France un îlot de romanité".
Tout prête donc à croire que ce sont les Romains qui introduisirent ici la fabrication et l'usage de la chaux d'autant plus que cette Basse-Auvergne avec ses buttes et ses plateaux calcaires était propice à l'activité chaufournière comme l'on dit de ce qui a trait aux fours à chaux. Les chaufourniers (dits aussi chauniers ici) étaient ces techniciens qui pratiquaient "l'art de cuire" la pierre à chaux, construire les fours et les rhabiller dans le cadre de contrats de travail ou de fermage passés avec des bailleurs propriétaires des lieux qui s'engageaient quant à eux à fournir "la pierre" extraite le plus souvent ici de galeries dites aussi "carrière à ciel fermé" et être ainsi au "cœur du sujet"pour éviter de brasser trop de terre et avoir à gérer trop de remblais. Ainsi jusqu'au milieu du XXe siècle et malgré les fluctuations économiques ce fut partout où c'était possible une activité essentielle pour accompagner le développement tant les besoins pour la construction ne cessèrent de croître mais aussi pour ceux de l' (chaulage, désinfection ...) et sans doute aussi pour certaines activités agricoles à applications industrielles (tanneries, sucreries ...).
On peut donc penser que dans cette région furent représentés les différents modes d'exploitation, les types d'implantation et de faire valoir, ainsi que les évolutions techniques propres à la production de la chaux.
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Photo 2 : Villa Champ- Madame à Beaumont prés de Botanic . Doc : Drac et ville de Beaumont.
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Autour du seul plateau de Gergovie ce ne sont pas moins de 4 communes qui furent concernées par la production de chaux : Aubière à Malmouche3, La Roche Blanche à Gergovie, Chanonat à Jussat et Romagnat.
Comme c'était fréquemment le cas, y eut-il, pour les besoins de sa construction, importantes un four à proximité des villas gallo-romaine comme celle de Maréchal ? Y eut-il ailleurs épars et temporaires des sites de production domestiques aujourd'hui totalement disparus ? Ce n'est pas impossible mais ce qui est bien connu c'est qu'à Romagnat cette activité à battu son plein en deux lieux-dits du "terradou", en continuité - deux lieux en l'occurrence bien nommés - Puy Blanc et son avancée de"la petite garde" et Champ Blanquet et sa bordure de Champ Chabroux au bout de la rue des Fours à Chaux. En ces deux lieux c'est un ensemble de pas moins d'une quinzaine de fours que l'on peut dénombrer témoignant d'une période allant du XVIIe au XXe siècle.



C'est dans "le gruyère" de l'ensemble du Puy Blanc que sont les galeries les plus anciennes dans lesquelles compte tenu de leur exiguïté, sans animaux, les hommes travaillaient au pic, au panier et à la brouette à l'extraction de "la pierre". A cette époque, l'activité chaufournière pouvait être saisonnière dans des fours ne dépassant pas 2 mètres de haut et ou jadis la cuisson se faisait au bois. A la sortie des fours "la chaux vive" (chaux pure débarrassé par la calcination de son gaz carbonique) à peine aspergée était transportée vers les chantiers où dans l'eau se fabriquait réellement la chaux de construction, la chaux grasse .
On le devine ces transports n'étaient pas sans risque car certains noyaux de pierre dure pouvaient être encore incandescents aussi rapporte-t-on que plusieurs chartiers (comme on écrivit jusqu'à la moitié du XIXe siècle) virent leurs charrois s'enflammer avant même de sortir de Romagnat. Certains de ces fours à chaux (on dit aussi chaufour, mais à Romagnat le terme est équivoque) et galeries dites du "Château de Bezance" ont pu se trouver le long du chemin de Puy Blanc, mais, dans ce secteur, au moins 5 ou 6 étaient alignés le long de la rue des caves, de ceux de "la vigne des chiens" (ayant appartenu aux familles Brun Monique et Cournol, un Thevenon ayant un temps été leur chaufournier) à ceux de "Petarat" (sobriquet d'une famille Cohendy) à Fontarioux qui furent vraisemblablement les derniers de cet endroit à fermer vers 1870 ou plutôt à être transférés par Rouchon vers ceux de Champ Blanquet où il construira pour "tenir la concurrence" un moulin à bluter la chaux, détruit dans les années 70 (on en conserve une photo) pour permettre la construction du centre social. C'est qu'à Champ Blanquet aussi ils étaient plusieurs et depuis longtemps à "vivre de la chaux" et d'autant plus qu'ici la ressource était plus abondante et peut-être de meilleure qualité.

En ce dernier tiers du XIXe siècle, la demande n'a sans doute jamais été aussi forte et les progrès techniques considérables, aussi faut-il se mettre en ordre de bataille : on se concentre ! Les Ravel vendent leurs fours aux Cournol, la concurrence est rude, sur la route on va à la rencontre de la clientèle pour proposer le meilleur prix et on va même désormais jusqu'à assurer la livraison de la marchandise chez les clients. Jusqu'en 1927 à l'arrivée du premier camion Saurer, le père Balet employé de Cournol et Lebre assurera cette tâche avec un cheval (le noir dit "le mouton"ou le rouge "le gamin"), un mulet et leurs attelages, 25 sacs pour le cheval, 15 sacs pour le mulet mais au cours des livraisons à Clermont dans la "côte des bohémiens" de Beaumont on devra dételer le mulet pour aider le cheval à monter ! A leur retour cheval et mulet seront chargés de charbon et le père Balet comme à son habitude semblera s'ingénier à ce que son charroi occupe toute la chaussée. Il leur aura fallu une demi-journée pour l'aller et retour ! Comme on le voit la révolution industrielle grâce au chemin de fer avait rapproché "le charbon de terre" de Clermont et Romagnat, mais plus tard c'est de la gare de Royat que les camions des Chirent de Boisséjour achemineront aux fours le charbon de Messeix. Les dernières extractions des mines du Puy-Saint-Gulmier à prix cassés viendront finir en cendre mélangés au calcaire de Champ Blanquet.
Il fut aussi question plus haut de sacs et de livraison en sacs. Ceci fut rendu possible après 1850 et l'invention d'une première technique d'extinction de la chaux vive par l'ingénieur Villeneuve chez Lafarge là-bas loin en Ardèche. Mais la propagation des techniques va vite à
cette époque et peu d'année après grâce à ce processus, la chaux vive de Champ Blanquet
alimente deux moulins à chaux, celui de Cournol sur le site lui-même et un peu plus bas celui de Rouchon à l'Auche là où se tient aujourd'hui le centre social. Sortant des fours, aspergée d'eau, la chaux vive était stockée dans des fosses d'extinction (fusoirs) puis blutée grâce à des meules, tamis et broyeurs actionnés d'abord à bras d'homme puis par des machines à vapeur et enfin à l'électricité.

Ainsi la chaux vive était suffisamment éteinte et stabilisée pour être ensachée dans des sacs en chanvre de 50 kilos. De la sorte étaient facilitée la livraison et éliminés les risques d'incendie au cours du transport. Malgré tout la chaux restait tiède et nombreux encore à Romagnat se souviennent de la douce chaleur des sacs qui seront en papier à partir des années trente. Mais jusque-là combien de sacs Saint-Frère à repriser à domicile
seront passés poussiéreux entre les mains de Mesdames Renard
et Chauvidon avant que la charge ne soit assurée par Anaïs Roux dans la toute nouvelle sacherie construite ainsi que l'atelier à côté de l'extension du moulin réalisé par Eugène Lebre dans les années trente du siècle dernier. Une machine à battre les sacs et une grosse machine à coudre facilitaient ici la tâche d'Anaïs mère de famille et veuve de guerre ayant trouvé là un emploi. Elle était la fille de Girard qui avant elle avait été en ces lieux conducteur d'âne ! Il faut en effet savoir que "l'âze" ici fut roi ! Il y en eut plus d'une vingtaine à la fois, chaperonnés par "François des ânes" qui les menait dormir après une journée bien remplie rue du Nord alors que quelques-uns seulement restaient dans l'écurie des fours. Leur journée la plupart allaient la passer à user la pointe de leurs oreilles à la voûte si basse - de fait à peine leur hauteur- du réseau des galeries où les mineurs avec leurs pics arrachaient aux tréfonds de Champs Blanquet "la pierre de chaux" que dans de petits tombereaux les ânes ramenaient à l'extérieur. Ces carrières à ciel fermé évitaient les bancs de calcaire dur que n'auraient pas réussi à cuire les chaufours et que l'on prenait quelquefois comme pierre à bâtir quand elles étaient à flanc de terre. Ces galeries couraient donc dans les veines de chaux tendre - inclinées de l'extérieur vers le cœur du plateau elles collectaient ainsi l'eau d'infiltration qui finissait par les inonder - s'organisant en un réseau le plus régulier et orthogonal possible, laissant en place par sécurité des piliers de volume égal à celui de la pierre prélevée de sorte qu'à chaque étage d'excavation les piliers soient superposés dans le prolongement les uns des autres. Là chaque mois, chaque quinzaine peut-être, (il fallait bien régler les commerçants !) le géomètre, Jean Cohendy qui fut aussi secrétaire de mairie jusqu'en 1933 à l'âge de 81 ans, venait mesurer la longueur de l'avancée qui rapportée à la section moyenne du boyau permettait de calculer le volume de pierre arrachée pendant cette durée et ainsi d'établir la paie. Ces âniers furent-ils à une époque "parsounnier", se louant à frérèche associés à deux avec un âne de sorte qu'ainsi appariés l'un puisse être au pic alors que l'autre conduisait l'âne revenu seul du fond de la galerie, jusqu'au gueulard où ils alimentaient le four de leur cargaison ? C'était ailleurs une manière de travailler pour les travaux des champs et dans les exploitations de pierre à chaux mais plus généralement dans les mines pour des raisons d'entraide et de sécurité donc bien sûr de rendement alors pourquoi pas ici ? A d'autres moments, c'était des mulets ou des chevaux qui assuraient le transport de la pierre jusqu'au four. Aussi en a-t-il fallu du charronnage pour tous ces tombereaux, chars, brouettes et peut-être tonneaux pour contenir la chaux vive. Le père Lassalas "L'Charron" venu de Beauloup, commune de Saint Ours les Roches, s'installer à Romagnat n'a pas dû manquer de travail pour "les fours" pas plus que le forgeron qui devait ouvrager et entretenir les fers, les pics, les crocs, les fourches, les masses, les massettes et que dire de l'ouvrage du cellier ?
Les fours à chaux de Champ Blanquet se présentent en deux batteries étagées au plus fort de la pente. Il est difficile d'établir une chronologie rigoureuse car ces appareils furent souvent abandonnés et détruits alors que de nouveaux étaient construits. La batterie du bas n'est sans doute pas la plus ancienne, mais, toutefois personne de vivant ne l'a jamais vue en activité, personne ou presque ne sait même que ce sont des fours. On datera un jour les cendres de leur ventre quand aura été éveillé l'intérêt pour cette part d'histoire. La partie la plus à l'écart de l'alignement du haut est aussi ignorée de tous. Il y a là dans un talus artificiel retenu par un mur, à côté du chemin au moins un four qui devait se remplir et se vider par le haut alors que le foyer était au bas du mur alimenté en bois. C'est la forme et la position atypique du parcellaire, la rupture artificielle de la pente pour un replat tenu par la maçonnerie, l'interposistion aberrante de cette lanière de terre perpendiculaire à la pente entre le chemin et une grande parcelle d'un seul tenant qui m'ont fait m'interroger pour en déduire qu'il y avait là des fours et que ces fours étaient ceux des Ravel puisque la grande parcelle leur appartient encore et que l'on sait de mémoire d'arrières petits-enfants que Jean Ravel (né en 1832) fut le dernier chaufournier de cette lignée, son fils très pris par le vignoble mais aussi présentant un problème de hanche ayant dû y renoncer.
La pierre calcaire "grosses comme la tête d'une homme" une fois extraite était transportée dans des tombereaux - puis plus tard par des wagonnets roulant sur des rails "decoville" - tirés par des chevaux, des mulets ou des "bourricots" auxquels se substitua un locotracteur jusqu'à la plate-forme des gueulards, où les pierres étaient cassées à la masse. Là les chaufourniers chargeaient (enfournaient) les fours de bois puis plus tard de charbon (200kg/tonne de pierre à chaux) et de pierre en couches successives. Après la mise à feu de la première charge sur une meule de rondins de sarments de vigne couronnée par une première couche de charbon et une première couche de pierre on confournait en continu. Puis par les ébraisoirs ouvrant à la base de chaque four cette chaux vive en roche était défournée à bras par les fourneliers, maniant le croc.
Ces fours à cuisson continue à courtes flammes s'arrêtaient quelques semaines par an en fonction de la demande ou de leur besoin d'être rhabillés.
Dans les années 1910 non pas par difficulté, mais parce que l'activité s'était industrialisée, il ne devait plus rester à Champ Blanquet et à Romagnat donc que deux chaufourniers. Rouchon qui était aussi maçon et Baptiste Cournol dit "Baptiste le Chaunier". Comme on l'a vu par ailleurs chacun avait son moulin, mais l'un et l'autre tiraient et cuisaient "la pierre" là haut dans les galeries des ânes et les fours attenants. Puis vint la guerre de 14/18. L'activité se calma sans doute considérablement et considérablement les bras manquèrent. Baptiste le Chaunier partit à la guerre, fut blessé très tôt, soigné à Lyon et promis à une longue convalescence. Femmes et commis durent s'atteler à une tâche qui même si elle avait diminué demeurait rude. Rouchon aussi était en difficulté. On ne construisit guère durant cette période et l'on entendait déjà parler du ciment ! ... Les uns et les autres durent cesser l'exploitation en galerie et reprendre la carrière (l'excavation la plus en haut) à ciel ouvert "trop riche" en terre pour faire une bonne chaux. Ceci ne facilita pas cela. Rouchon arrêtera peu après. Il vendra à Baptiste Cournol ses possessions et celui-ci continuera à louer au bureau d'aide sociale le moulin d'en bas dit "l'usine à Rouchon" pour en faire une remise et peut-être récupérer des éléments de machine qui auraient dès lors bluté leurs derniers sacs en cet endroit. C'est que Baptiste Cournol est revenu plus tôt que prévu eu égard à la gravité de sa blessure. Sous la pression de son ami Bergougnan manufacturier à Clermont dans le domaine du caoutchouc et plus particulièrement de la bande de roulement qui sert à bander les roues des véhicules automobiles et aussi de tapis roulants dans les carrières. Ses usines sont alors à agrandir. Il a besoin de chaux (Michelin se servira longtemps chez Marinier à Joze). A quelle date exactement ceci eut-il lieu ? Est-ce que pour hâter la fin de la guerre que l'armée à besoin d'équiper des véhicules, ou la guerre venant de se terminer l'industrie reprend, la construction redémarre, les carrières ont besoin de s'équiper ? Commence donc le dernier stade de l'industrialisation de la chaux en Auvergne. Baptiste le chaunier peut-être de santé fragile, mais sûrement affaibli par sa blessure va "se chercher" un associé. Garry le premier ne va pas faire "long feu", alors il se rapproche de son ami Eugène Lebre qui a quitté la boulangerie romagnatoise en 1911 pour aller exploiter un lavoir à Paris et qui souhaite alors revenir à Romagnat. Eugène Lebre va "apporter" dans l'affaire le parc du Puy de Gergovia devenu Puy des fours à chaux qu'il a acheté à la famille Astet6. A partir de 1924 très vite les deux amis vont "faire la paire". De nouvelles galeries boisées de plus grande taille seront ouvertes sous la conduite de Gabriel Durin ingénieur qui vient des mines d'or de Vendes7. Un concasseur est intégré à la chaîne de fabrication, l'unité de blutage est agrandie avec la mise en place d'un broyeur horizontal à boulets (tube finisseur) l'extension des locaux pour l'ensachage, la création d'un atelier, d'une sacherie et d'un bureau. Le premier camion, un Saurer flambant neuf fait son apparition aux fours (1927) en provenance de Saint-Étienne. Deux grands fours sont construits par le maçon Ballage du Fouillassoux de Lavergne près de Cistèrnes la Forêt. Le deuxième sera terminé en 1934, année marquée aussi par le mariage de Marie-Jo Mourlevat et André Guinard ! Les fours à chaux Cournol Lebre disposent désormais du premier téléphone de Romagnat le n° 1 (dont la trace demeure dans le 04 73 62 66 01) et une vigoureuse action commerciale est menée : la chaux hydraulique de Romagnat est présente chez tous les marchands de matériaux de Clermont et contribue à la construction dans tout le nord et l'ouest du Puy de Dôme. Il reste à cette époque six installations industrielles de chaux dans le département : Marignier à Joze, Boulard à Aubière et Gergovie, Persignat à Sainte-Marguerite, Valaude à Limons et Sabatier à Orsonnette, Cournol Lebre à Romagnat.
Baptiste est mort en 1928. Eugène va disparaître 11 ans après, alors que son fils Roger Lebre vient d'entamer la formation qui le verra en 1947 devenir ingénieur de l'école nationale des mines d'Alès. Entre temps une autre guerre sera passée et les femmes durant cette période auront dû reprendre ce collier. Françoise Lebre, née Cournol de "Chez le Bregnat" - désignée jusqu'alors pour faire le "dîner" à toute heure - et sa fille Blanche, aidées par Monsieur Persignat, assureront l'intérim pour que vive l'entreprise devenue en 1941 la société Vve Lebre et Compagnie, qui après guerre participera à l'effort de reconstruction national, la chaux étant expédiée en Normandie .
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Photos suivantes : L' empreinte de Roger Lébre, un projet industriel, grandes galeries, grand four, grand fusoir : une chaine de production cohérente .



Roger Lebre de retour mettra sa compétence et son énergie à moderniser les fours àchaux. L'extraction mécanisée (chargeur, bulldozer, tracteur, perforateur, explosifs ...) se fera dans d' immenses galeries. Dans les années 50 sera construit par l'entreprise Ribaud le grand four àtourelle qui domine le site. Un autre concasseur après cuisson sera installé. A l'échelle des nouvelles galeries et du nouveau four sera construit un nouveau fusoir métallique tandis que l'amélioration du produit fini sera un souci constant : apport de laitier en provenance de ... et de gypse venant de ..., contrôles qualité réguliers (résistance mécanique, composition chimique, durée de prise ...). Pour résister l'activité se diversifie, dépôt d'explosifs et production de champignons de couche dits de Paris dans les galeries, utilisation des propriétés mécaniques (fines) de la chaux pour catalyser la fabrication de l'enrobé qui servira à la réfection des routes ! ... Mais les hivers sont longs (ah ! les intempéries dans le bâtiment ...). Le combat est rude et inégal car les grands cimentiers français qui étendent leur règne sur le monde s'acharnent en France à racheter les derniers
fours à chaux indépendants pour éliminer une concurrence dérisoire. La chaux va tomber en désuétude et les fours de Romagnat fermeront en 1970, le site étant dès lors occupé par un ferrailleur.
Curieusement, il y a à peine plus d'une trentaine d'années la chaux n'avait plus le droit de cité, alors qu'aujourd'hui elle a regagné ses lettres de noblesse et qu'aucune réhabilitation et réalisation de qualité ne peut être envisagée sans elle autant pour ses propriétés mécaniques et chimiques que pour sa charge patrimoniale et son potentiel plastiqueet esthétique.

Château de l'industrie, les fours à chaux de Romagnat ne sontqu'assoupis sur les flancs de Gergovie, qui depuis les temps que l'on sait portent l'esprit de résistance. Ils témoignent d'une industrie pénible mais indispensable et la chaîne de fabrication et le gros-œuvre ne sont que très partiellement ruinés: galerie, four, fusoir, blutage. Pour peu ilsreprendraient du service ! Les observateurs attentifs, et forcément un peu amoureux, ne manquent pas de voir qu'il se livre là, tout en douceur et depuis pas mal de temps, une réhabilitation du site. Nombreux sont ceux à savoir maintenant que les fours à chaux vont retrouver, dans l'esprit des friches culturelles, une activité de production, dans le domaine artistique, ce dont le chantier du sculpteur Yves Guérin est depuis plus de 10 ans la marque.


A travers ce projet, qui devrait permettre d'échapper à l'iconoclaste fièvre spéculative, les fours deviendront lieu de mémoire de tous ceux qui n'ont jamais ménagé leur peine pour en arriver là. Le temps a malheureusement plongé dans l'oubli bien des noms. Aussi, outre ceux déjà cités, conservons précieusement celui des Blancheton, Benoit le père et ses trois fils, Louis, Jules et ... qui venaient chaque jour de Jussat pour travailler là. Pensons à ...... Perez, qui est venu ici juste après le conflit de 14, pour échapper à la précarité espagnole et répondre au
besoin de main-œuvre consécutif à la grande guerre. Après lui bien des Espagnols suivront le même itinéraire et notamment les exclus politiques de la guerre civile. D'autres, Italiens, Portugais, Marocains, se trouvant dans les mêmes situations, vinrent travailler avec les Romagnatois de vieille souche ou de fraîche date et vivre au quotidien en bonne entente avec eux.
Célébrons donc enfin leur mérite, faisons défiler les noms qui nous restent, laissons infuser dans notre souvenir ces présences, qui avec tant d'autres, pavent l'immémorial grand chemin de la peine et du travail des hommes : Baret, Martinez, Gazola, Cagniart, Gautier, Guerrero, Murlà, Lopez, Rastero, Rohlion, Lardy, Sierra, Bordel, Meklouf, Roux, Girard, Darnet, Perez-Luca, Blanco, Gomez, Rodriguez,Bordel, Tortosa, ...
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Derniéres photos :Installation " danse macabre " Yves Guerin , sur le plateau de Gergovie en 2006-2007 - "bivouac" de Genérik-vapeur dont le bustrot de " Taxi" assure leur présence sur le site des Fours et veille sur notre amitié, celle aussi partagée avec Gilles Perez du Chemin Fais'art de Chapdes- Beaufort dont les fours pourraient tirer quelques "enseignement " , sait-on que Gilles est le petit fils du Père Perez qui fut le premier espagnol a travailler aux fours durant les années 20 et durablement il veillera sur la cuisson de la pierre à chaux…
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